Peut-on prévoir l’aptitude à produire de la gelée royale de différentes colonies ?
Au sein d’une exploitation apicole spécialisée en production de gelée royale, les différentes lignées d’abeilles sont croisées par les apiculteurs par insémination artificielle. Ces croisements ont pour but de sélectionner certains caractères d’intérêt pour cette production, comme le taux d’acceptation au greffage, et la propension à remplir les cellules royales avec de grandes quantités de gelée.
Estimation du niveau de production saisonnier de gelée royale d’une ruche à partir d’une étude restreinte
Peut-on réduire le temps et le coût de sélection de lignées d’abeilles productives ?
La production de gelée royale se fait de Mars à Août. Elle est influencée par des facteurs externes liés à l’activité des abeilles (environnement nutritif, qualité de l’eau, température,…) mais dépend également de leur patrimoine génétique. La sélection de lignées génétiques implique un test de productivité sur une saison de récolte ce qui peut avoir des conséquences sur une saison entière de production si les souches sélectionnées n’ont pas un bon rendement. Il serait donc intéressant, dans la recherche d’une production optimale, d’améliorer la méthode de sélection des lignées.
Dispositif de l’expérimentation pour le testage de la production de gelée royale en micro-colonies
Après avoir discuté avec des professionnels, nous avons dégagé un besoin pour les apiculteurs d’optimiser la sélection des lignées génétiques afin d’améliorer la production de gelée royale.
Les apiculteurs nous ont alors permis de travailler avec des colonies réduites (~2000 abeilles) issues de colonies « mères» (~50,000 abeilles) sélectionnées pour la production de gelée royale.
Ces colonies sélectionnées sont identifiées au moyen de numéros permettant un suivi des différentes lignées génétiques. On travaillera par la suite avec les lignées n°5, 16, 19, 20, 22 et 33 placées dans des ruchettes toutes situées au même endroit afin de limiter l’impact des différents paramètres externes.
Une expérimentation a adapter aux étapes de la production de la gelée royale
La production de gelée royale suit un certain nombre d’étapes. Tout d’abord, on rend la colonie orpheline en retirant la reine. L’absence de phéromones royales conduit alors les ouvrières à élever des larves selon un processus spécifique afin qu’elles deviennent des reines, notamment en les nourrissant de gelée royale.
Pour cela, nous avons introduit dans nos ruches des lattes, ensemble de 20 cellules artificielles contenant chacune un œuf qui sera élevé par les ouvrières.
Au bout de 3 jours, on récupère les lattes. Seules un certain nombre de larves auront été « acceptées » et élevées. Ce nombre, rapporté aux nombre initial de larves donne le taux d’acceptation. On peut alors procéder à la récolte. Pour ce faire, on désopercule les cellules, on en retire la larve et enfin, on récupère la gelée royale que l’on stocke au frais.
Pour chaque colonie nous avons déterminé le taux d’acceptation (%) et la quantité de gelée produite (g). Nous avons comparé nos données à celles que l’apiculteur a obtenues sur une saison entière de récolte (printemps-été 2016).
L’expérimentation laisse apparaître une variabilité de la productivité en gelée royale des micro-colonies
Il y a des écarts de production entre les origines génétiques de chaque micro-colonie. Par contre, dans certains cas, il y a des similitudes de comportement entre la production de gelée royale en micro-colonies et en colonies normales, pour d’autres lignées les résultats divergent.
Nos résultats et ceux des apiculteurs diffèrent pour certaines origines génétiques : bien que les productivités des lignées 5 et 16 soient proches, les autres lignées ont été moins productives et ont moins accepté les œufs lors de notre étude réduite.
On ne peut donc pas valider notre hypothèse : les résultats ne sont pas comparables.
Quelles conclusions peut-on tirer de cette expérimentation ?
Notre expérimentation laisse apparaître des résultats encourageants qui nécessiteraient une reconduite des tests.
Voici nos conclusions :
- Bien qu’on observe des résultats comparables pour certaines lignées, notre expérimentation ne permet pas d’optimiser la sélection sans risque de perdre de bonnes lignées. Il faudrait peut-être mettre en œuvre une étude moins restreinte avec, par exemple, des ruches plus grandes et un temps de récolte plus long.
- Il est possible que le changement d’environnement des abeilles (passage des ruches aux ruchettes) ait eu un impact sur les différences de productivité, de même pour la météo ou bien d’autres paramètres externes que nous n’avons pas pu contrôler.
- Nos données et celles de l’apiculteur sont les résultats finaux d’une récolte, on ne peut donc pas effectuer d’étude statistique nécessitant plusieurs résultats associés à une même expérience (il faudrait plusieurs années pour cela). De plus l’erreur sur les manipulations, plus importante pour nous que pour les apiculteurs, est difficilement estimable. L’idéal serait, si nous avions plus de temps et de moyens, de pouvoir définir les incertitudes liées à nos mesures pour effectuer une comparaison plus fine.
Pour autant, l’apiculteur sait qu’il ne doit pas chercher à privilégier uniquement la quantité au détriment de la qualité qui lui assure sa place sur le marché.